4 questions à Bastien Mérigot, maître de conférences à l’Université de Montpellier et membre du Centre « Biodiversité Marine, Exploitation & Conservation » (MARBEC)
À quelques jours du début de la session de juillet 2025 de l’A2M, Bastien Mérigot, Maître de Conférences à l’Université de Montpellier menant ses recherches au sein du Centre « Biodiversité Marine, Exploitation & Conservation » (MARBEC), a accepté de nous en dire plus sur son intervention.
- Bastien Mérigot, vous intervenez à nouveau à la formation de l’A2M à Monaco en juillet prochain, cette fois-ci sur le thème de ”La Mer Méditerranée, une mer en surchauffe ?”, pouvez-vous nous en dire plus sur ce sujet ?
Le changement climatique n’est pas uniforme à l’échelle planétaire : le bassin méditerranéen, zone de transition entre les régimes de circulation atmosphérique des latitudes moyennes et subtropicales, se réchauffe 20 % plus vite que le reste du monde. Il s’ensuit que le réchauffement de la mer Méditerranée est très préoccupant : depuis les années 1980, la température moyenne de surface a augmenté en moyenne d’environ 1,5 °C, avec un réchauffement estimé à environ +0,3 par décennie, ce qui est supérieur à celui observé à l’échelle mondiale (+0,2 °C/décennie). Les étés récents ont vu la température de surface dépasser régulièrement les 28 °C, atteignant même localement 30 à 31 °C dans la Méditerranée orientale.
Ce phénomène s’accompagne d’une intensification des vagues de chaleurs marines (« marine heat waves »), qui se manifestent par des hausses anormales et durables de la température de l’eau, parfois supérieures à 5 °C au-dessus des normales saisonnières, sur des périodes excédant plusieurs jours. Cette hausse généralisée des températures entraîne une série de perturbations écologiques majeures : stress thermique pour la faune et la flore qui a induit certaines années des épisodes de mortalités massives, ainsi que des changements de distributions d’espèces, notamment avec l’apparition d’espèces exotiques thermophiles en provenance de la mer Rouge via le canal de Suez. Ainsi, la Méditerranée illustre parfaitement une mer en surchauffe, où la dynamique de la température met en péril la résilience des écosystèmes marins, tout en interrogeant les capacités d’adaptation des populations humaines littorales.

- En quoi la température des océans est-il un enjeu majeur qui dépasse le cadre de la mer et des océans ?
La température des mers et des océans constitue un enjeu global qui dépasse largement le seul domaine marin, car ils jouent un rôle fondamental dans la régulation du climat terrestre, le cycle du carbone, et la stabilité des écosystèmes planétaires. Ainsi, l’élévation des températures océaniques perturbe les régimes climatiques mondiaux : elle intensifie les phénomènes météorologiques extrêmes (ouragans, cyclones, inondations), modifie les précipitations, et contribue à l’accentuation des sécheresses dans certaines régions. De plus, le réchauffement accélère la fonte des glaciers et induit une dilatation thermique de l’eau, entraînant une élévation du niveau de la mer qui menace directement des centaines de millions d’habitants des zones côtières.
D’autre part, les mers et les océans constituent une formidable pompe qui absorbe près de 30 % des émissions de dioxyde de carbone dues aux activités humaines. Mais plus chauds ils absorbent moins efficacement le CO₂, ce qui affaiblit leur rôle de puits de carbone et crée un cercle vicieux du réchauffement climatique. Par ailleurs, la hausse des températures des affecte la sécurité alimentaire mondiale, en influençant la répartition des ressources marines, la productivité des pêcheries, et la santé des écosystèmes dont dépendent des millions de personnes. Ainsi, loin d’être un phénomène localisé, la hausse des températures des mers et des océans est un moteur central du changement climatique global, dont les effets en cascade touchent l’ensemble des sociétés humaines.
- Un an après votre intervention, disposez-vous de nouvelles données qui infirment ou confirment ce phénomène ? Quelle est la tendance qui est observée par les scientifiques ?
Les températures relevées en mer Méditerranée durant l’été 2024 et en juin 2025 confirment sans équivoque la tendance au réchauffement. Le 15 août 2024, la température médiane de surface a atteint 28,9 °C, soit 2,7 °C de plus que la médiane des quarante dernières années. Ces relevés placent l’été 2024 bien au-dessus de celui de 2023, qui avait pourtant déjà été marqué par un épisode de vague de chaleur marine. Au large de Nice, par exemple, on a enregistré à la mi-août 2024 une température maximale de 29,7°C, bien au-delà des mesures habituelles à cette période de l’année.
En juin 2025, des températures atteignant 27 °C ont déjà été relevées sur certaines portions du littoral méditerranéen français, soit entre 4 et 6 °C au-dessus des normales saisonnières selon les secteurs. Ces relevés mettent en évidence une tendance au réchauffement, qui ne peut plus être considérée comme exceptionnelle mais a priori bien comme le nouveau visage du climat méditerranéen.

- Y-a-t-il selon vous des moyens d’agir pour ralentir ou enrayer ce phénomène ?
Il serait a priori encore possible d’agir pour ralentir le réchauffement de la mer Méditerranée, à condition de mettre en place des actions coordonnées à différentes échelles (locale, nationale, internationale). La priorité absolue reste la réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle globale, notamment par la transition vers des énergies renouvelables, la limitation de l’usage des énergies fossiles, et la promotion de transports moins polluants. Par ailleurs, l’aménagement durable du littoral peut aussi jouer un rôle en limitant l’artificialisation des côtes et en restaurant des écosystèmes naturels comme les zones humides, les herbiers marins et les zones rocheuses, qui participent à la régulation thermique et au stockage du carbone.
Il est également essentiel de protéger les écosystèmes marins, en réduisant la pollution, en luttant contre la surpêche, et en créant davantage d’aires marines protégées pour renforcer la résilience des milieux naturels. Enfin, face à un phénomène qui dépasse les frontières, une coopération internationale autour de la Méditerranée est indispensable, tout comme la sensibilisation des citoyens et la diffusion de connaissances scientifiques. Il ne s’agit pas seulement de ralentir le réchauffement, mais aussi de mieux s’y adapter et de préserver, autant que possible, les équilibres écologiques et climatiques de cette région.
- L’A2M a-t-elle selon vous un rôle à jouer dans la sensibilisation et mobilisation nécessaires autour de la préservation de la mer, des fonds marins et de ses ressources ?
L’A2M propose une formation interdisciplinaire de haut niveau, alliant sciences, droit, géopolitique et économie marine. Destinée à un public francophone issu de divers pays et horizons professionnels, cette formation favorise une approche globale et intégrée des enjeux maritimes. En diffusant des savoirs spécialisés sur l’état de santé des océans, les cadres juridiques internationaux, ainsi que les défis environnementaux actuels, l’A2M joue à mon avis un rôle moteur dans la sensibilisation aux grandes problématiques marines.
Elle agit comme un véritable catalyseur de mobilisation, en contribuant à former une nouvelle génération d’experts et d’acteurs engagés, capables de dialoguer et d’intervenir à l’interface de multiples disciplines et secteurs liés aux mers et aux océans. Ainsi par son action, je suis convaincu que l’A2M participe très activement à l’émergence d’une culture partagée de la préservation marine, essentielle pour faire face au changement global, protéger la biodiversité, et garantir la pérennité des services écosystémiques marins dont dépendent nos sociétés.
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