5 questions au Professeur Pierre Failler, conférencier intervenant à la prochaine formation de l’Académie de la Mer

Professeur d’économie à l’Université de Portsmouth et éminent spécialiste en économie environnementale et écologique, Pierre Failler est l’un des conférenciers qui interviendra lors de la prochaine formation de l’Académie de la Mer de Monaco (A2M). Interview.

Pouvez-vous nous présenter vos domaines d’expertise, vos travaux et vos activités en quelques phrases ?

Mon domaine d’expertise est assez large. Il couvre ce qu’on appelle communément la gouvernance des océans. Cela englobe des aspects assez techniques comme l’évaluation économique de la valeur des écosystèmes aux enjeux géopolitiques de l’utilisation des océans, avec entre les deux le travail avec les organisations internationales et les différents pays et régions pour la mise en œuvre de processus politiques ou de stratégies pour une meilleure utilisation des ressources marines.

Concernant mes travaux, nous pouvons distinguer deux versants. Le premier est celui de la recherche pour essentiellement faire avancer le travail en économie, en politique publique et en gouvernance, en étant toujours associé à des experts ou des chercheurs initialement dans d’autres domaines tels que l’économie marine, la géographie, l’écologie et un ensemble de sciences sociales complémentaires à l’économie. Il faut bien avoir en tête que la gestion des ressources naturelles ou des espaces demandent de faire intervenir ou avoir le consentement des populations.

Le deuxième versant concerne la collaboration avec les institutions internationales et avec les pays pour l’élaboration et la mise en œuvre des politiques liées à la mer ou liées aux espaces marins et les eaux continentales : tout ce que l’on appelle communément l’économie bleue. Ça c’est le deuxième versant pour lequel on a développé la stratégie de l’Union Africaine qui concerne 54 pays, la stratégie de l’ASEAN, l’IGAD, le SADEC, l’East African Community et plusieurs autres régions et pays aussi en Asie, en Afrique et dans les Caraïbes.

Sur quels sujets allez-vous intervenir lors de la formation de l’Académie de la Mer à Monaco en juillet prochain ?

Mon intervention traitera de la gouvernance des océans et la mise en œuvre des politiques publiques, que ce soit en Afrique, Asie, Europe ou aux Caraïbes. Il y aura un accent sur les initiatives liées à la restauration des éco-systèmes.

En termes de sensibilisation et de formation, quel sera l’objectif de cette intervention vis-à-vis des candidats ?

Je pense qu’il y a deux objectifs. Tout d’abord, nous allons mener un travail de fond pour comprendre le principe de gouvernance, ainsi que les fondements de l’économie bleue. Souvent, les candidats ont une formation mono-spécifique, donc l’idée est de faire en sorte qu’ils comprennent bien comment les choses sont articulées. Par exemple, si nous prenons la restauration de l’écosystème, il y a des personnes qui sont douées pour restaurer de la mangrove mais ils ne font pas nécessairement le lien entre cette restauration et l’augmentation de la biomasse abiotique dont la pêche alors qu’il y a une relation assez forte. Donc le travail consistera à comprendre les liens entre ces différents domaines qui ne sont pas nécessairement mis en relation dans les formations.

Le deuxième objectif est de partager des expériences pratiques et vécues à différents niveaux en mentionnant l’Union Africaine et ce qu’on appelle les Communautés Économiques et Régionales en Afrique ou en Asie afin de comprendre comment mettre en place les politiques dédiées à la restauration et à l’amélioration de la gestion des ressources naturelles. Nous sommes à la fois sur des améliorations de compréhension et le fait d’appréhender au mieux les difficultés que nous avons lorsque nous voulons mettre en place des politiques effectives.

Quel est l’intérêt pour les candidats de développeur leurs connaissances sur ces sujets ?

Pour aborder la problématique de la mer et de son futur, il faut pouvoir regarder sous différents angles alors que nous avons tendance à la voir sous l’angle de plus en plus mono-spécifique qui est celui du changement climatique.

Lorsque nous regardons la capacité des océans à absorber l’excès des émissions de CO2 par rapport aux puits de carbone, nous avons tendance à oublier le rôle que joue l’océan pour la biodiversité par exemple. Nous voyons très bien l’engouement généré par les COP qui sont liées au changement climatique et le peu d’engouement des COP liées à la CBD (Convention on Biological Diversity). L’océan est simplement perçu comme un catalyseur pour essayer d’améliorer la situation face au changement climatique et l’absorption carbone donc nous allons essayer de démontrer que la biodiversité est le vecteur premier de l’amélioration de notre perception des océans et de l’amélioration de toutes actions pour le bien-être global.

Si jamais certains candidats souhaitent d’ores et déjà se documenter ou s’instruire sur ce(s) sujet(s), avez-vous quelques conseils de lecture à leur donner ?

De mon point de vue, il ne faut pas lire des papiers très spécifiques pour commencer. L’intérêt premier est de se documenter grâce à des articles permettant de dresser un portrait assez général des choses, sur Sciences & Nature par exemple.

Je vous conseille également les rapports des différents états de l’environnement, notamment The Global Environment Outlook disponible sur le site de l’UNEP ou bien le dernier rapport sur les océans sur le site du GIEC.

Pour finir, n’hésitez pas à consulter ma page sur le site l’Université de Portsmouth où vous trouverez de nombreuses publications sur la gouvernance transformatrice.

Merci, professeur.